Depuis le 21 décembre2018, les patients prenant l’antiépileptique princeps Lamictal(1) doivent assumer un reste à charge non remboursé par la Sécurité sociale et les mutuelles en cas de refus du générique, y compris ceux en Affection Longue Durée ou bénéficiaires de la CMU et malgré la mention «Non substituable» sur l’ordonnance. 1/3 des patients sont concernés par cette mesure.
L’association nationale de patients Epilepsie-France s’élève contre une décision brutale aux résultats totalement contre-productifs.
Si le traitement fonctionne, n’y touchez pas
L’épilepsie est une maladie neurologique chronique caractérisée par la répétition spontanée de crises imprévisibles pouvant entraîner des blessures parfois mortelles. Les traitements ne guérissent pas. Dans le meilleur des cas, ils permettent de supprimer les crises. Malgré un traitement à vie aux effets secondaires parfois très lourds, 70% des patients sont stabilisés et peuvent mener une vie quasi normale: aller à l’école, travailler, conduire.
Loin d’être anodine, la question de la substitution entre médicament princeps et génériques en épilepsie fait l’objet de discussions depuis de nombreuses années. Faisant suite à la publication de recommandations par la Ligue Française de l’Épilepsie, l’AFSSAPS (aujourd’hui ANSM) invitait en 2008 les professionnels à ne pas substituer un traitement antiépileptique sans l’accord du patient.
Les modifications de traitement en épilepsie («switchs») sont aujourd’hui clairement identifiées comme facteur majeur de risque, notamment dans les cas de SUDEP (mort subite et inexpliquée en épilepsie).
Depuis longtemps, la neurologie a fait sienne un adage anglais: « If it ain’t broke, don’t fix it »(si le traitement fonctionne, n’y touchez pas) et les sociétés savantes du monde entier s’accordent pour considérer qu’un traitement antiépileptique démarré :
-avec le princeps doit être poursuivi avec le princeps
-avec un générique doit être poursuivi avec le même générique (pas d’allers et retours entre génériques d’une marque différente).
Une volte-face aux fondements inexplicables
Certains antiépileptiques, dont la Lamotrigine, étaient jusqu’à présent exclus de la règle « Tiers payant contre générique » parce qu’ils sont considérés comme des traitements à marge thérapeutique étroite (2).
Pourtant, par une décision totalement inattendue du 29 août 2018, le Comité Économique des Produits de Santé a institué les tarifs forfaitaires de responsabilité pour des groupes génériques parmi lesquels figure la Lamotrigine, avec effet au 1er novembre 2018. La brutalité de ce revirement intervient en totale contradiction avec les recommandations du Ministère de la Santé qui préconisent la plus grande précaution pour les changements des médicaments à marge thérapeutique étroite.
On pourrait aussi s’interroger sur le curieux timing de cette décision, alors même que suite au scandale de la Depakine, le valproate est en perte de vitesse et que la Lamotrigine figure en tête des alternatives médicamenteuses préconisées conjointement par la HAS et l’ANSM aux prescripteurs pour le traitement des filles, adolescentes et femmes en âge de procréer.
En-dehors du princeps Lamictal, 5 laboratoires produisent aujourd’hui la Lamotriginesous forme de générique. Peut-on aujourd’hui garantir aux patients une continuité dans leur traitement alors que le Lamictal n’est pas épargné par les tensions d’approvisionnement ?
Des patients qui se sentent pris au piège et pénalisés
Les nombreux témoignages laissés sur les forums ou transmis aux associations montrent que les patients se sentent sanctionnés et victimes d’une double injustice. Ils n’ont pas choisi d’être malades et ont l’impression d’une médecine à deux vitesses qui favoriserait les plus aisés : « Si ça ne dérange personne que les jeunes épileptiques n’arrivent pas à trouver de job … Donc pas de salaire ! Donc pas de mutuelle !!! Soient obligés de choisir entre manger et se soigner ?» (3)
(1) Le Lamictal est également indiqué pour la prévention des épisodes dépressifs chez les patients présentant un trouble bipolaire
(2) Médicaments pour lesquels la différence entre dose efficace et dose toxique est faible. Toute variation de la concentration dans l’organisme du patient, même légère, peut entraîner des échecs thérapeutiques ou des effets indésirables graves. (source: Ministère des Solidarités et de la Santé)
(3) Reportage de France 2 du 28/02/2018: un pharmacien témoigne des tensions d’approvisionnement sur le Lamictal
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